La Maison Plein Cœur a pour objectif d’offrir du soutien psychosocial aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Cet organisme vise à contrer l’isolement et le rejet de la population séropositive de Montréal.
Forte d’un capital humain hors pair, la Maison Plein Cœur offre une panoplie de programmes adaptés, reflétant la grande diversité ethnoculturelle de la ville.
La Maison Plein Cœur est l’un des 19 organismes bénéficiant du support financier de la Fondation Québécoise du Sida.
Le VIH : toujours une source d’exclusion et d’isolement social
Fondée en 1991, Maison Plein Cœur s’est donnée pour mission d’accompagner les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) dans leur cheminement personnel, ayant pour objectif d’améliorer leur qualité de vie, d’encourager l’insertion sociale et de contribuer à une plus grande autonomie. Divers programmes d’intervention sont ainsi proposés, notamment des rencontres entre pairs, des interventions à domicile, des soupers thématiques, des ateliers d’art-thérapie et des services de résidence de courte durée. Pionnière dans son champ, Maison Plein a été conçue comme un rempart contre l’exclusion et la marginalisation des personnes infectées au pic de la crise du VIH dans les années 1990. 30 Trente ans plus tard, cette mission demeure toujours d’actualité.
Ce type d’intervention s’avère crucial pour diverses raisons. Tout d’abord, un diagnostic de VIH n’est jamais une nouvelle facile à assimiler. Reprenant les propos des bénévoles de la Maison Plein Cœur, il n’est pas rare que les personnes « se déconstruisent » lorsqu’elles découvrent leur statut sérologique. Cela signifie qu’en apprenant leur diagnostic, diverses PVVIH perdent leurs repères et se retrouvent alors dans une situation de détresse psychologique profonde. Du support est donc nécessaire pour aider les patients à canaliser leurs émotions.
Ensuite, notons que les PVVIH peuvent faire face à de nombreux défis en raison de leur statut sérologique et de leur situation sociale. Divers usagers de Maison Plein Cœur se retrouvent ainsi aux prises avec des problèmes de chômage, d’itinérance et de consommation de substances. C’est dans ce contexte que l’organisme propose des résidences de courte durée, supervisées par des travailleurs sociaux qualifiés, avec comme but d’aider les bénéficiaires à réintégrer la vie active.
Finalement, soulignons qu’en dépit des efforts de conscientisation et de grands progrès réalisés en matière de prévention du VIH, les personnes séropositives sont encore victimes de stigmatisation et de discrimination. Si certains usagers de la Maison Plein Cœur affirment avoir été victimes de rejet dans leurs relations en raison de leur statut sérologique, d’autres vont encore plus loin et partagent avec émoi des expériences dégradantes vécues avec des professionnels de la santé :
Le système de santé n’est pas très accueillant. Disons-nous les vraies choses. […] J’avais attrapé l’influenza et j’étais très malade. J’avais révélé mon statut à l’infirmière. J’étais déjà indétectable, je n’étais donc pas dangereux. Aussitôt que je lui ai révélé mon statut, l’infirmière part. Elle revient avec un masque et son attitude change. Elle garde une distance et ne veut plus me toucher. […] Puis voici un deuxième exemple. Je ne nommerai pas la clinique médicale. Je suis allé me faire traiter pour une ITSS que j’avais attrapée. La personne qui m’a traité était médecin. Il me dit [de façon désobligeante] : « Mais là ! Vous [ne] pourriez pas faire attention ? Vous avez déjà le VIH, et maintenant ceci ! Faites donc attention ! »
Consciente des défis inhérents à la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH, la Maison Plein Cœur propose un environnement humain, accueillant, inclusif et ouvert, au sein duquel, les personnes séropositives peuvent prendre leur élan. Autrefois pensée comme un espace de partage entre personnes séropositives dont l’espérance de vie était compromise, la Maison Plein cœur se veut, aujourd’hui, un véritable milieu de vie, offrant aux usagers la possibilité de reprendre les rênes de leur propre destinée.
Des services adaptés à chaque type de clientèle
À travers ses différentes initiatives, la Maison Plein Cœur tente de répondre aux besoins d’une clientèle toujours plus variée, non seulement au niveau intergénérationnel, mais également aux niveaux ethnoculturel et linguistique.
D’emblée, la Maison Plein Cœur se démarque par le souci qu’elle accorde à la population séropositive vieillissante. Cette population demeure la « survivante » de la grande épidémie de VIH qui sévissait au Canada lors des années 1980 et 1990. Ce groupe est davantage à risque de développer des problèmes de santé mentale ainsi que des troubles neurocognitifs, moteurs et de l’humeur. Des interventions à domicile et des activités d’accompagnement en voiture ont ainsi mis en place pour aider ce groupe de population.
Les jeunes mères, les femmes enceintes et les enfants font également partie des priorités de la Maison Plein Cœur. Dans le cas des jeunes mères, il s’agit souvent de femmes immigrantes nées dans des pays où le VIH est endémique. Dans le cas des femmes enceintes, l’accès à des antirétroviraux s’avère crucial puisque cela peut éviter la transmission de la maladie de la mère à l’enfant. Sur la centaine de femmes enceintes ayant bénéficié des services de la Maison Plein Cœur, aucune d’entre elles n’a transmis le VIH à leur enfant. Un véritable exploit.
La Maison Plein Cœur tente aussi de joindre certaines populations immigrantes vivant à Montréal (notamment celles d’origine latino-américaine, maghrébine et subsaharienne), chacune d’entre elles faisant face à des problématiques spécifiques. De nombreuses initiatives ont ainsi été proposées pour répondre à leurs besoins. Le programme d’échange entre pairs, connu sous le nom « d’Entraide positive », constitue l’un des principaux exemples. Ce programme vise à créer un espace de discussion périodique entre hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, afin de briser l’isolement, d’encourager l’affirmation de soi et promouvoir le bien-être psychologique. Le futur programme « Résilience », visant à nourrir l’autonomisation, la confiance en soi et la persévérance des personnes séropositives se veut une autre initiative allant dans la même direction. Ce projet s’adresse également aux populations plus jeunes et aux groupes trans. À la Maison Plein Cœur, aucune PVVIH n’est laissée-pour-compte.
Un organisme résilient et une équipe dévouée
Lorsqu’on demande aux gestionnaires de la Maison Plein Cœur quelle est, selon eux, la principale force de leur organisation, ces derniers affirment sans hésitation : « Nos employés ! ». Il faut dire que l’équipe œuvrant au sein de cette institution est assez unique. Quel autre organisme compte non seulement des travailleurs sociaux, des intervenants à domicile et des éducateurs, mais également des anciens journalistes de télévision, des écrivains, et même des artistes drags parmi ses rangs ? Chacun d’entre eux travaille de façon acharnée, livrant le meilleur de lui-même, dans l’espoir que la Maison Plein Cœur continue de prendre son élan.
« Si ce n’était pas à cause de nos employés, je ne pense pas qu’on réussirait. Ça prend des personnes qui ont du cœur ! » affirme Denis-Martin Chabot, gestionnaire au développement chez Maison Plein Cœur. Et la crise reliée à la COVID-19 a permis de corroborer de tels propos. En effet, l’organisme a dû faire preuve de résilience et d’adaptabilité tout au long de la pandémie afin d’ajuster ses programmes d’intervention aux directives de santé publique en vigueur, toujours en constante évolution. Alors que les activités de bénévolat ont été suspendues pendant une partie de la crise, les employés de la Maison Plein Cœur n’ont pas hésité à redoubler d’efforts pour compenser l’absence de support. Certains programmes ont dû être mis en pause ou offerts par vidéoconférence. Ainsi, loin de capituler dans sa mission, Maison Plein Cœur a réussi à se réinventer et à se moderniser à l’issue de cette crise sanitaire.
Un organisme confronté à des défis financiers
Cela n’empêche pas que l’organisation soit confrontée à des défis de taille, souvent de nature financière. Alors que le conseil d’administration de la Maison Plein cœur s’est donnée comme priorité stratégique d’améliorer la rémunération de ses employés, les gestionnaires reconnaissent qu’il reste un long chemin à parcourir en signalant les écarts de salaire observés entre le secteur communautaire et le secteur public. Par ailleurs, l’immeuble abritant Maison Plein Cœur manifeste des signes importants de détérioration. Des travaux de rénovation majeurs sont donc nécessaires, d’autant plus que les employés affirment manquer d’espace pour pouvoir assurer le bon déroulement des activités de l’organisation. Finalement, notons que divers programmes offerts aux usagers sont directement financés par le gouvernement, notamment les interventions à domicile pour les personnes âgées. Malheureusement, ces sources de financement n’ont qu’une durée limitée. L’aide financière relative aux soins pour personnes vieillissantes n’aura, par exemple, qu’une validité de 2 ans, ce qui les amène à se questionner quant à la viabilité du programme à long terme.
Un organisme clé dans le paysage montréalais
Depuis trente ans, la Maison Plein Cœur fait partie intégrante du milieu communautaire montréalais, apportant du soutien et du réconfort aux personnes vivant avec le VIH. Luttant contre la précarisation, la stigmatisation et l’exclusion des personnes séropositives, cet organisme offre une lueur d’espoir à ceux qui peinent à trouver leur voie en raison de la maladie. Alors que l’avènement de la trithérapie, de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et de la prophylaxie post-exposition (PEP) nous permettent aujourd’hui d’avoir une meilleure mainmise sur le VIH, les préjugés, la stigmatisation et l’absence d’un milieu de soutien demeurent très présentes et font de l’ombre à une gestion efficace de la maladie. La Maison Plein Cœur en est bien consciente et, à travers ses différents programmes, elle nous invite à reconcevoir le visage du VIH, une personne à la fois.
Journaliste : Marc Alexandre Andre Barragan